Le cannabidiol (CBD) est devenu un sujet d'étude majeur dans le domaine scientifique et médical ces dernières années. Cette molécule issue du chanvre présente une structure chimique complexe qui lui confère des propriétés biologiques uniques. Comprendre sa composition chimique permet non seulement d'appréhender son mode d'action sur l'organisme mais aussi d'expliquer pourquoi ses effets diffèrent radicalement de ceux du THC. La plante Cannabis sativa recèle une multitude de composés bioactifs dont plus de 100 cannabinoïdes identifiés à ce jour, des terpènes aromatiques et des flavonoïdes. Cette richesse moléculaire explique l'intérêt croissant pour les extraits de CBD et leurs applications potentielles.
L'analyse chimique approfondie du CBD révèle une architecture moléculaire sophistiquée qui interagit de façon spécifique avec le système endocannabinoïde humain. Contrairement aux idées reçues, tous les extraits de CBD ne sont pas identiques : leur composition varie considérablement selon les méthodes d'extraction employées et les variétés de chanvre utilisées. Cette diversité chimique explique les différences d'efficacité observées entre les produits disponibles sur le marché. Pour les consommateurs comme pour les professionnels de santé, comprendre ces subtilités biochimiques devient essentiel pour faire des choix éclairés.
Structure moléculaire du cannabidiol (CBD)
Configuration chimique C21H30O2 et ses propriétés
Le cannabidiol présente une formule moléculaire C21H30O2, identique à celle du THC mais avec un arrangement atomique différent. Cette structure chimique appartient à la famille des terpénophénols, combinant un noyau phénolique à une chaîne terpénique. Cette configuration unique confère au CBD une forte lipophilie, ce qui signifie qu'il est soluble dans les graisses mais peu dans l'eau. Cette caractéristique influence directement sa biodisponibilité et son absorption par l'organisme lorsqu'il est ingéré.
La molécule de CBD comporte deux groupements hydroxyles (OH) qui lui confèrent des propriétés antioxydantes remarquables . Ces groupements sont capables de neutraliser les radicaux libres, molécules instables impliquées dans le vieillissement cellulaire et diverses pathologies. La longue chaîne carbonée latérale du CBD lui permet de s'intégrer facilement dans les membranes cellulaires, contribuant à son interaction avec divers récepteurs biologiques.
Le poids moléculaire du cannabidiol est de 314,46 g/mol, ce qui en fait une molécule de taille moyenne capable de traverser diverses barrières biologiques, notamment la barrière hémato-encéphalique. Cette caractéristique explique sa capacité à exercer des effets au niveau du système nerveux central. Sa structure tridimensionnelle présente une flexibilité conformationnelle qui lui permet d'adopter différentes configurations selon son environnement moléculaire.
Différences structurelles entre le CBD et le THC
Bien que partageant la même formule chimique brute C21H30O2, le CBD et le THC se distinguent par l'arrangement spatial de leurs atomes. La différence fondamentale réside dans la structure cyclique: le THC possède un cycle pyrane fermé (structure cyclique contenant un atome d'oxygène), tandis que le CBD présente un cycle ouvert avec un groupement hydroxyle libre. Cette subtile différence structurelle a des conséquences biologiques majeures.
La distinction structurelle entre CBD et THC, bien que minime en apparence, modifie radicalement leur affinité pour les récepteurs cannabinoïdes et explique leurs effets physiologiques diamétralement opposés.
Cette différence conformationnelle explique pourquoi le THC se lie fortement aux récepteurs cannabinoïdes CB1 présents dans le cerveau, produisant des effets psychoactifs, alors que le CBD a une faible affinité pour ces mêmes récepteurs. En effet, le CBD agit plutôt comme un modulateur allostérique négatif des récepteurs CB1, réduisant même les effets psychoactifs du THC lorsque les deux molécules sont présentes ensemble.
Au niveau électronique, la distribution des charges est également différente entre ces deux molécules, ce qui influence leurs interactions avec l'environnement biologique et leur solubilité. Le CBD présente une distribution électronique qui favorise les interactions avec divers systèmes enzymatiques, expliquant son large spectre d'actions physiologiques.
Stéréochimie du CBD et impact sur sa bioactivité
La stéréochimie du CBD, c'est-à-dire l'arrangement spatial de ses atomes dans l'espace tridimensionnel, joue un rôle crucial dans sa bioactivité. Le CBD naturel présente une configuration spécifique (-)-(1R,6R)-CBD. Cette stéréoisomérie particulière détermine sa reconnaissance par les récepteurs biologiques et les enzymes métaboliques. Les stéréoisomères synthétiques du CBD ne possèdent pas les mêmes propriétés biologiques que la forme naturelle.
L'activité biologique du CBD dépend de sa conformation moléculaire qui permet un positionnement optimal dans les sites actifs des enzymes et des récepteurs. La rigidité conformationnelle de certaines parties de la molécule contrastant avec la flexibilité d'autres régions lui permet d'interagir avec plusieurs cibles biologiques distinctes. Cette polyvalence structurelle explique le large spectre d'action pharmacologique observé.
La stéréochimie influence également la stabilité de la molécule et sa résistance à la dégradation métabolique. Les liaisons hydrogène intramoléculaires rendues possibles par la configuration spatiale spécifique du CBD contribuent à sa stabilité relative en conditions physiologiques, bien qu'il reste sensible à l'oxydation et à la dégradation thermique.
Les terpènes associés au CBD dans la plante cannabis sativa
Dans la plante Cannabis sativa, le CBD n'existe jamais isolément mais toujours accompagné de terpènes, composés organiques volatils responsables de l'arôme caractéristique de la plante. Ces molécules ne sont pas de simples composants aromatiques; elles possèdent leurs propres activités biologiques et peuvent moduler les effets du CBD. Ce phénomène, connu sous le nom d'effet d'entourage, suggère que l'ensemble des composés agit en synergie pour produire un effet thérapeutique supérieur à celui du CBD isolé.
Parmi les terpènes les plus abondants associés au CBD, on trouve le myrcène aux propriétés sédatives, le limonène aux effets anxiolytiques, le pinène reconnu pour ses propriétés anti-inflammatoires, et le β-caryophyllène qui interagit directement avec les récepteurs cannabinoïdes. La concentration et le profil des terpènes varient considérablement selon les variétés botaniques , les conditions de culture et les techniques d'extraction.
Ces terpènes influencent non seulement les effets physiologiques des extraits de CBD mais également sa pharmacocinétique. Certains terpènes peuvent faciliter le passage du CBD à travers les membranes biologiques, augmentant ainsi sa biodisponibilité. D'autres peuvent inhiber ou favoriser certaines voies métaboliques, modifiant la durée d'action du CBD dans l'organisme.
Cannabinoïdes présents dans l'extrait de CBD
Le CBG (cannabigérol) comme précurseur biochimique
Le cannabigérol (CBG) occupe une place particulière dans la biochimie du cannabis puisqu'il constitue le précurseur de tous les autres cannabinoïdes. Sa forme acide, le CBGA, est le premier cannabinoïde formé dans la plante. Sous l'action d'enzymes spécifiques (les synthases), le CBGA est converti en THCA, CBDA ou CBCA, qui donneront respectivement le THC, le CBD et le CBC après décarboxylation par la chaleur.
Dans les extraits de CBD, on retrouve généralement de faibles concentrations de CBG, typiquement entre 0,1% et 1%. Cependant, certaines variétés génétiquement sélectionnées peuvent présenter des taux plus élevés. Le CBG interagit avec les récepteurs cannabinoïdes, mais aussi avec d'autres systèmes biologiques, notamment les récepteurs alpha-2 adrénergiques. Cette polyvalence lui confère des propriétés anti-inflammatoires, antibactériennes et neuroprotectrices potentiellement complémentaires à celles du CBD.
La présence de CBG dans les extraits de CBD peut influencer significativement leur profil d'activité biologique. Des études récentes suggèrent que le CBG pourrait renforcer certains effets du CBD tout en atténuant d'autres, illustrant la complexité des interactions entre cannabinoïdes dans les extraits naturels.
CBC (cannabichromène) et ses effets synergiques
Le cannabichromène (CBC) est un cannabinoïde non-psychoactif présent en concentrations variables dans les extraits de CBD. Contrairement au CBD, le CBC interagit faiblement avec les récepteurs cannabinoïdes classiques (CB1 et CB2) mais présente une forte affinité pour d'autres récepteurs, notamment les récepteurs potentiels transitoires à vanilloïde de type 1 (TRPV1), impliqués dans la perception de la douleur.
Les études pharmacologiques révèlent que le CBC possède des propriétés anti-inflammatoires, analgésiques et antidépressives qui peuvent compléter celles du CBD. Dans un extrait naturel, ces deux molécules agissent en synergie, produisant ce qu'on appelle un effet d'entourage où l'activité combinée dépasse la somme des effets individuels. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi certains utilisateurs rapportent une meilleure efficacité des extraits complets par rapport aux isolats de CBD.
La teneur en CBC dans les extraits de CBD commerciaux varie considérablement selon les variétés de cannabis utilisées et les méthodes d'extraction. Généralement, les extraits de type "full spectrum" contiennent entre 0,1% et 0,5% de CBC, une quantité suffisante pour contribuer significativement à l'effet thérapeutique global.
CBN (cannabinol): produit de dégradation du THC
Le cannabinol (CBN) est un cannabinoïde qui n'est pas directement synthétisé par la plante mais résulte de la dégradation oxydative du THC exposé à l'air et à la lumière. Dans les extraits de CBD légaux, la présence de CBN indique généralement soit une oxydation du produit (vieillissement), soit l'utilisation initiale d'une plante contenant du THC qui s'est partiellement dégradé pendant le stockage ou le processus d'extraction.
Contrairement à son précurseur, le CBN présente des propriétés psychoactives limitées mais conserve une certaine affinité pour les récepteurs CB1. Il est principalement connu pour ses effets sédatifs prononcés, contribuant à l'effet relaxant de certains extraits de CBD. Des recherches suggèrent également des propriétés anti-inflammatoires, antibactériennes et stimulantes de l'appétit.
Les analyses chromatographiques des extraits de CBD montrent généralement des taux de CBN inférieurs à 0,1% dans les produits frais, mais ces valeurs peuvent augmenter avec le temps et un stockage inapproprié. Cette évolution chimique peut modifier progressivement le profil d'activité d'un extrait de CBD, augmentant ses propriétés sédatives tout en réduisant d'autres effets thérapeutiques.
CBDV (cannabidivarine) et THCV (tétrahydrocannabivarine)
Le cannabidivarine (CBDV) et le tétrahydrocannabivarine (THCV) sont des cannabinoïdes qui se distinguent du CBD et du THC par une chaîne latérale plus courte (propyl au lieu de pentyl). Cette modification structurelle subtile leur confère des propriétés pharmacologiques distinctes et souvent complémentaires des cannabinoïdes majeurs.
Le CBDV, analogue structural du CBD, est particulièrement étudié pour ses propriétés anticonvulsivantes potentiellement supérieures à celles du CBD dans certains modèles d'épilepsie. Sa présence dans les extraits de CBD peut donc renforcer l'efficacité antiépileptique globale. Les concentrations de CBDV varient considérablement selon les variétés, certaines souches spécifiques pouvant contenir jusqu'à 4% de ce composé.
Le THCV présente un profil pharmacologique complexe: à faible dose, il agit comme antagoniste des récepteurs CB1, bloquant les effets psychoactifs du THC, tandis qu'à dose plus élevée, il peut agir comme agoniste partiel. Cette dualité d'action lui confère des propriétés anorexigènes (suppressives de l'appétit) et potentiellement bénéfiques dans la régulation du métabolisme. Dans les extraits de CBD légaux, le THCV est généralement présent en très faibles quantités, inférieures à 0,2%.
Extraction et analyse des composés chimiques du CBD
Méthodes d'extraction CO2 supercritique vs solvants organiques
L'extraction du CBD et des autres cannabinoïdes de la plante Cannabis sativa peut s'effectuer selon différentes techniques, chacune influençant significativement le profil chimique final de l'extrait. L'extraction au CO2 supercritique représente aujourd'hui la méthode de référence pour obtenir des extraits de haute qualité. Dans ce procédé, le dioxyde de carbone est maintenu dans un état supercritique (ni liquide, ni gazeux) qui lui confère un pouvoir solvant exceptionnel tout en préservant l'intégrité des molécules thermosensibles.
Cette méthode présente l'avantage majeur de n'utiliser aucun solvant toxique et de permettre un ajustement précis des conditions de pression et de température pour cibler spécifiquement certaines molécules. Les extraits obtenus sont généralement plus purs et contiennent un spectre plus complet de cannabinoïdes et terpènes que ceux produits par d'autres méthodes. Cependant, l'équipement nécessaire est coûteux et requiert une expertise technique considérable.
À l'inverse, l'extraction par solvants organiques (éthanol
, hexane, butane) utilise des solvants chimiques pour extraire les composés actifs. Cette méthode, plus accessible et moins coûteuse, permet d'obtenir rapidement de grandes quantités d'extrait. Cependant, elle présente plusieurs inconvénients: risque de résidus toxiques dans le produit final, dégradation possible de certains composés thermosensibles et impact environnemental significatif.
Entre ces deux extrêmes, l'extraction par huile végétale (olive, coco) représente une alternative plus naturelle mais moins efficiente, adaptée principalement à la production domestique. Les rendements sont généralement plus faibles et la concentration en principes actifs moindre, mais cette méthode préserve efficacement le profil terpénique. Le choix de la méthode d'extraction influence donc directement non seulement la pureté mais aussi la composition chimique de l'extrait final.
Chromatographie HPLC pour quantifier les cannabinoïdes
La chromatographie liquide à haute performance (HPLC) constitue la méthode de référence pour l'analyse quantitative des cannabinoïdes dans les extraits de CBD. Cette technique analytique performante permet de séparer, identifier et quantifier avec précision les différents composés présents, même à des concentrations infimes. Le principe repose sur la différence d'affinité des molécules pour une phase stationnaire (colonne) et une phase mobile (solvant) qui les entraîne à des vitesses différentes.
Pour l'analyse des cannabinoïdes, on utilise principalement des colonnes à phase inverse C18, avec un gradient de solvants polaires et apolaires. Cette configuration permet une séparation optimale des cannabinoïdes qui présentent des structures chimiques très proches. La détection s'effectue généralement par absorption UV à des longueurs d'onde spécifiques (entre 210 et 280 nm), où les cannabinoïdes présentent une forte absorbance due à leurs cycles aromatiques.
L'HPLC permet non seulement de déterminer avec précision la concentration en CBD (généralement exprimée en pourcentage ou en mg/ml), mais aussi d'établir le profil cannabinoïdique complet de l'extrait: ratios CBD/THC, présence et quantification des cannabinoïdes mineurs (CBG, CBC, CBN...), ainsi que la détection d'éventuels contaminants. Cette analyse constitue un critère de qualité essentiel pour les produits commerciaux et garantit leur conformité avec les réglementations en vigueur.
Spectroscopie de masse pour l'identification moléculaire
La spectroscopie de masse représente une technique analytique complémentaire indispensable pour l'identification précise des composés présents dans les extraits de CBD. Contrairement à l'HPLC qui se concentre sur la séparation et la quantification, la spectrométrie de masse permet l'identification structurelle des molécules en les fragmentant et en analysant le rapport masse/charge des fragments obtenus. Cette empreinte de fragmentation est spécifique à chaque molécule et constitue une signature unique permettant son identification sans ambiguïté.
Dans le contexte de l'analyse des extraits de CBD, la technique de choix est souvent le couplage chromatographie liquide-spectrométrie de masse (LC-MS). Cette méthode combine la capacité séparative de l'HPLC avec le pouvoir d'identification de la spectrométrie de masse. Elle permet ainsi de détecter et caractériser des cannabinoïdes présents en très faibles concentrations, voire des molécules inconnues ou des produits de dégradation qui pourraient échapper à d'autres méthodes analytiques.
L'analyse par LC-MS/MS permet d'atteindre des limites de détection de l'ordre du nanogramme par millilitre, rendant possible l'identification de plus de 100 cannabinoïdes différents dans un seul extrait de CBD.
La spectrométrie de masse haute résolution (HRMS) offre une précision encore supérieure, permettant de déterminer la formule moléculaire exacte des composés analysés. Cette technique s'avère particulièrement précieuse pour identifier les nouveaux cannabinoïdes synthétiques ou les produits de transformation métabolique, contribuant ainsi à l'avancement de la recherche dans ce domaine en constante évolution.
Variations chimiques entre les extraits full spectrum, broad spectrum et isolat
Les extraits de CBD se divisent en trois catégories principales qui diffèrent considérablement par leur composition chimique: full spectrum, broad spectrum et isolat. Ces différences ne sont pas anecdotiques, elles déterminent le profil d'activité biologique et les applications potentielles de chaque type d'extrait. L'extrait full spectrum contient l'ensemble des composés naturellement présents dans la plante: cannabinoïdes (y compris des traces de THC inférieures à 0,3%), terpènes, flavonoïdes et autres composés bioactifs. Cette richesse moléculaire favorise l'effet d'entourage, où les différents composés agissent en synergie.
L'extrait broad spectrum résulte d'un processus d'affinage supplémentaire visant à éliminer spécifiquement le THC tout en préservant les autres cannabinoïdes et terpènes. Ce type d'extrait représente un compromis entre la richesse phytochimique du full spectrum et l'absence totale de THC recherchée par certains consommateurs ou exigée par certaines réglementations. L'analyse chromatographique révèle généralement un profil similaire au full spectrum, à l'exception notable de l'absence de pic correspondant au THC.
À l'opposé du spectre, l'isolat de CBD consiste en cannabidiol quasi pur (>99%). Obtenu par des processus de cristallisation et purification poussés, il se présente sous forme de poudre cristalline blanche, dépourvue d'odeur et de saveur caractéristiques du cannabis. Sa composition chimique extrêmement simplifiée le rend particulièrement adapté à certaines applications pharmaceutiques nécessitant une standardisation précise du dosage. Cependant, l'absence des autres composés bioactifs signifie également l'absence d'effet d'entourage, ce qui pourrait limiter son efficacité thérapeutique pour certaines indications.
Système endocannabinoïde et interaction chimique
Le système endocannabinoïde (SEC) constitue un réseau de signalisation cellulaire complexe découvert dans les années 1990, impliqué dans la régulation de nombreuses fonctions physiologiques: humeur, appétit, sommeil, immunité et perception de la douleur. Ce système comprend trois composantes principales: les endocannabinoïdes (molécules produites naturellement par l'organisme), les récepteurs cannabinoïdes (principalement CB1 et CB2) et les enzymes responsables de la synthèse et de la dégradation des endocannabinoïdes.
L'interaction du CBD avec ce système présente une complexité remarquable. Contrairement au THC qui se lie directement aux récepteurs CB1 comme agoniste, le CBD présente une faible affinité pour ces récepteurs mais agit comme modulateur allostérique négatif, modifiant leur conformation et réduisant l'efficacité de liaison d'autres molécules. Cette action explique en partie la capacité du CBD à atténuer certains effets indésirables du THC. Le CBD interagit également avec les récepteurs CB2, principalement exprimés dans le système immunitaire, mais aussi avec d'autres cibles biologiques.
Au-delà des récepteurs cannabinoïdes classiques, le CBD exerce son action via multiple voies biochimiques: inhibition de la recapture de l'anandamide (un endocannabinoïde majeur), activation des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1A, modulation des récepteurs vanilloïdes TRPV1, interaction avec les récepteurs GPR55 et PPARγ. Cette polyvalence d'action explique le large spectre d'effets biologiques observés et suscite un intérêt considérable dans diverses applications thérapeutiques potentielles.
La structure chimique particulière du CBD lui permet d'interagir avec les membranes cellulaires, modifiant leur fluidité et influençant indirectement l'activité de nombreux récepteurs membranaires et canaux ioniques. Cette interaction non spécifique contribue également à ses effets neuroprotecteurs et anti-inflammatoires. La combinaison de ces mécanismes d'action multiples et complexes explique pourquoi le CBD présente un profil d'effets si large tout en ayant un excellent profil de sécurité.
Profils chimiques des variétés riches en CBD
Souche charlotte's web et son profil cannabinoïde unique
La souche Charlotte's Web représente l'une des variétés de cannabis riches en CBD les plus célèbres au monde, développée spécifiquement pour ses applications thérapeutiques potentielles. Nommée en l'honneur de Charlotte Figi, une jeune patiente souffrant du syndrome de Dravet (une forme rare et sévère d'épilepsie), cette variété est devenue emblématique du mouvement en faveur du cannabis thérapeutique. Son profil chimique se caractérise par une teneur exceptionnellement élevée en CBD (généralement entre 15% et 20%) et une concentration minimale en THC (inférieure à 0,3%), la rendant non-psychoactive.
L'analyse chromatographique détaillée de Charlotte's Web révèle un profil cannabinoïdique particulièrement équilibré, avec des concentrations significatives de cannabinoïdes secondaires comme le CBG (0,8-1,5%), le CBC (0,5-1,0%) et le CBDV (0,2-0,5%). Cette richesse en cannabinoïdes mineurs contribue potentiellement à l'efficacité thérapeutique observée cliniquement. Le ratio CBD:THC extrêmement élevé (souvent supérieur à 50:1) constitue une caractéristique déterminante de cette souche, la distinguant nettement des variétés conventionnelles.
Le profil terpénique de Charlotte's Web présente également des particularités notables: dominance du β-caryophyllène (connu pour ses propriétés anti-inflammatoires et son interaction directe avec les récepteurs CB2), α-pinène (bronchodilatateur et anti-inflammatoire) et myrcène (sédatif, muscle-relaxant). Cette composition spécifique en terpènes interagit synergiquement avec les cannabinoïdes présents, renforçant potentiellement les effets anticonvulsivants et anti-inflammatoires. La stabilité génétique de cette souche, maintenue par reproduction clonale, garantit la constance de ce profil chimique unique d'une génération à l'autre.
Variétés fedora 17, felina 32 et leurs spécificités biochimiques
Les variétés Fedora 17 et Felina 32 représentent deux souches de chanvre industriel particulièrement importantes dans le contexte européen de production de CBD. Contrairement à Charlotte's Web, ces variétés ont été initialement développées pour des applications industrielles (fibre, graines) avant que leur potentiel comme source de CBD ne soit pleinement exploité. Inscrites au catalogue officiel des variétés de l'Union Européenne, elles respectent la limite légale de 0,2% de THC tout en offrant des rendements satisfaisants en CBD.
Fedora 17 présente un profil chimique caractérisé par une concentration modérée en CBD (typiquement 3-5% dans les fleurs), un ratio CBD:THC d'environ 20:1, et une richesse particulière en terpènes β-caryophyllène et humulène. Cette variété se distingue par sa teneur relativement élevée en CBG (0,5-1%), précurseur biochimique des autres cannabinoïdes, qui contribue potentiellement à ses propriétés anti-inflammatoires. La robustesse de cette variété face aux conditions climatiques variées explique sa popularité auprès des cultivateurs européens.
Felina 32, quant à elle, présente généralement une concentration légèrement supérieure en CBD (4-6% dans les fleurs) et un profil terpénique dominé par le myrcène et le limonène, lui conférant des notes aromatiques plus agrumées et terreuses. L'analyse chromatographique révèle également une présence notable de CBC (0,3-0,7%), cannabinoïde aux propriétés antidouleur et antidépressives potentielles. Ces variations biochimiques subtiles mais significatives entre ces variétés industrielles illustrent l'importance de la sélection variétale dans la production d'extraits aux propriétés spécifiques, même parmi des souches répondant aux mêmes contraintes réglementaires.
Sour tsunami et ACDC: ratio CBD:THC et composition terpénique
Les variétés Sour Tsunami et ACDC représentent deux exemples remarquables de souches de cannabis médicinales sélectionnées spécifiquement pour leur haute teneur en CBD tout en maintenant un ratio CBD:THC bien défini. Sour Tsunami, développée par le botaniste Lawrence Ringo, fut l'une des premières variétés stables riche en CBD disponible aux États-Unis. Son profil chimique se caractérise par un ratio CBD:THC généralement compris entre 1:1 et 2:1, avec des concentrations typiques de 10-12% de CBD et 6-7% de THC dans les fleurs séchées.
Cette composition équilibrée confère à Sour Tsunami un profil d'effets unique, où les propriétés psychoactives du THC sont modérées par la présence importante de CBD. L'analyse terpénique révèle une dominance du myrcène, du pinène et du limonène, créant un bouquet aromatique complexe aux notes boisées et citronnées. Cette variété illustre parfaitement comment la sélection génétique ciblée peut produire des chimiotypes spécifiques adaptés à certaines applications thérapeutiques, notamment la gestion de la douleur chronique où l'action combinée du CBD et du THC pourrait offrir une efficacité supérieure.
ACDC représente une évolution encore plus poussée vers un profil riche en CBD. Issue d'une sélection phénotypique de la variété Cannatonic, ACDC présente un ratio CBD:THC exceptionnellement élevé, généralement entre 20:1 et 30:1. Les analyses chimiques montrent des concentrations pouvant atteindre 15-20% de CBD pour seulement 0,5-1% de THC. Cette composition rend ACDC pratiquement non-psychoactive tout en conservant un potentiel thérapeutique significatif.